Noël : fragile bonheur d’être ensemble

À pareille date l’an dernier, les yeux de Roxanne se mouillaient dès qu’elle entendait un air de Noël. Elle pleurait au son des grelots et clochettes. « Je n’avais pas du tout le cœur à la fête. » Un mois plus tôt, son fils Mathys, 7 ans, avait reçu un diagnostic de leucémie aiguë lymphoblastique. Le choc était à peine encaissé, la famille se réorganisait et les inquiétudes étaient nombreuses. Roxanne demeurait forte, et son conjoint aussi, pour leur quatre jeunes enfants. Pour leur clan.

Encaisser le choc

En août 2020, Mathys a commencé à éprouver des douleurs aux jambes et au dos. Ses parents ont cru qu’il s’agissait d’une poussée de croissance. Mais les douleurs ont persisté et, en septembre, le garçon a commencé à vivre des épisodes répétés de fièvre. Quand les pertes d’appétit, la fatigue et les ganglions enflés se sont ajoutés aux symptômes, les parents ont su que quelque chose clochait.

« Je suis infirmière, je comprenais que ça pouvait être grave, je soupçonnais une leucémie. » Son conjoint a tenté de la rassurer. C’était peut-être un virus. Une biopsie de la moelle a confirmé les soupçons de Roxanne. « Votre feeling de maman était bon », a dit la médecin en entrant dans la chambre d’hôpital où elle patientait. C’était le 28 octobre 2020.

Roxanne a beaucoup pleuré. À ses côtés, Mathys jouait aux jeux vidéo, des écouteurs vissés sur les oreilles. Il était à peine conscient de ce qui se déroulait. Dans la tête de sa mère, les pensées se bousculaient : les traitements, ses trois autres fils, son arrêt de travail, la vie qui change à jamais… Son conjoint est arrivé peu après. « C’est le moment qui fesse le plus. J’ai été incapable de lui dire, j’étais figée, paralysée. » Lui aussi a été fortement ébranlé.

Le couple, fort et soudé, s’est rapidement ressaisi : les prochains mois ne seraient pas de tout repos. « On a mis notre armure de parents, on est entré en mode survie, d’hypervigilance et d’attaque. On a uni nos forces pour notre enfant malade, pour nos garçons à la maison, qui ont aussi des besoins, et pour qui le quotidien devait continuer. »

Des guerriers isolés

La première hospitalisation de Mathys s’est étirée sur 32 jours, en contexte de mesures sanitaires : un parent à la fois, pas de visite, pas de socialisation à la salle de jeux. « Après trois jours, Mathys avait déjà hâte de revenir à la maison, avec ses frères. À son âge, c’est difficile à comprendre. Comme nous étions en contrôle, il a tout de même bien réagi. C’est un enfant calme, très souriant. Il se voyait comme un guerrier à l’image d’Iron Man, son super-héros préféré. Nous combattions à ses côtés. »

L’isolement a pesé lourd. « Quand l’un était au chevet de Mathys, l’autre s’occupait des garçons à la maison. Ils s’ennuyaient de leur frère. Quand tu vis ce stress, tu as besoin de soutien, d’être près de ceux que tu aimes. Ça a été très difficile. »

« En raison de la pandémie, on n’a pu échanger avec des parents qui traversaient la même épreuve au même moment. Ça aurait été aidant de partager. On se saluait derrière nos masques dans les corridors de l’hôpital. »

Au soulagement des parents, Leucan s’est invité dans ce tourbillon d’émotions dès le début. « Depuis le jour 1, notre conseillère Maryse est là pour nous. Elle nous a guidés dans l’explication du cancer aux enfants, elle m’a épaulée dans mes démarches d’arrêt de travail, elle s’est rendue à l’école pour sensibiliser les élèves et les enseignants. »

Noël en suspens

Mathys est retourné à la maison quelques semaines, avant d’être hospitalisé de nouveau le 20 décembre. C’est dans sa chambre d’hôpital qu’il a passé la nuit de Noël. Il a reçu son congé le 25 décembre au matin. « Ça a été notre plus beau cadeau. »

La petite famille, éprouvée, a passé les vacances à la maison. « Ça a fait du bien au moral d’être ensemble, de retrouver notre cocon familial soudé. On a joué à des jeux de société, on a regardé des films. Les enfants ont tous reçu un panier de Noël de Leucan. Ils étaient contents. » Mais la maladie prenait beaucoup de place.

Malgré les traitements, Mathys a complété sa deuxième année avec succès en cours virtuels. L’automne dernier, il a repris le chemin de l’école et revu ses amis. « Il avait hâte, mais il craignait qu’on se moque de lui : il a perdu ses cheveux et il est encore enflé en raison des médicaments. Maryse est allée à l’école avec lui. L’accueil a été fantastique. »

Souffrance et impuissance

Mathys souffre de douleurs neuropathiques causées par la chimiothérapie de consolidation. Il a cessé de jouer au soccer, il n’arrive plus à faire du vélo. L’équipe médicale tente de trouver la bonne médication pour réduire ces effets indésirables.

« Quand il est dans un pic de douleur, je me sens impuissante. Je le masse, je lui donne des bains. Tu ne t’habitues jamais à voir ton enfant souffrir. Ça marque pour la vie. »

Dans les moments plus difficiles, quand Mathys serre très fort sa doudou Leucan, Roxanne et son conjoint tentent de le réconforter, de l’encourager. « On ne doit pas montrer notre vulnérabilité, notre angoisse, notre terreur. Mais ça pince, ça crève le cœur. »

Des moments ludiques

Les frères de Mathys jonglent parfois difficilement avec ses sautes d’humeur, avec leurs propres inquiétudes et le bouleversement de leur routine. « Dès qu’on peut, on essaie de créer des moments ludiques. On mange de la pizza dans le salon sur des matelas gonflables. On fait des feux extérieurs avec guimauves et musique. On les laisse dormir ensemble dans leur « dortoir de gars » où les parents sont interdits. »

Des bonnes fées et un marchand de rêve, comme ils les appellent, leur offrent tout plein de cadeaux : une grosse cargaison de bonbons, des pyjamas, des pantoufles, des Lego à la tonne. Mathys a même reçu une trottinette électrique… pour suivre ses frères à vélo sans douleur.

« De savoir mes gars ensemble et heureux, c’est ce qui fait que j’arrive à dormir et à continuer le lendemain. À travers les hauts et les bas, Leucan apaise notre esprit et allège le fardeau sur nos épaules. Maryse est une partenaire dans cette épreuve, elle y met un peu de douceur. »

Célébrer la vie

À quelques semaines de Noël, Roxanne est plus apaisée. « Je veux célébrer. Mathys va plutôt bien et je veux remercier la vie de lui permettre d’être avec nous à la maison. » Elle sait que d’autres familles n’auront pas cette chance.

Elle rêve d’un temps des Fêtes marqué par les rires et les cris de ses quatre garçons, filant sur la patinoire dans la cour arrière. Tout simplement. Comme avant.

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