Le 9 décembre 1997, je suis devenue maman pour la première fois. Mon beau Alec est arrivé dans ma vie. Mon cœur n’a jamais été aussi rempli d’amour et mon quotidien n’a plus jamais été le même.
Notre premier bébé, notre premier garçon. Un bébé qui pleurait beaucoup. Ses nuits étaient courtes. C’était mon premier. J’apprenais tout. Comprendre ses pleurs, ses maux, ses sourires. Je n’avais aucune expérience, aucune comparaison. Coliques ? Intolérance au lactose ? Les suppositions classiques pour un enfant de cinq mois qui pleure.
Un matin, Alec n’allait pas bien du tout : déviation oculaire, pleurs, douleurs. C’était un moment de panique incroyable. Ce jour-là, on est entrés à l’hôpital en urgence. Et on n’en est jamais ressortis.
Jamais je n’aurais pu m’imaginer ce qu’on allait nous annoncer : notre fils est atteint d’une tumeur cérébrale maligne à la hauteur du cervelet avec accumulation de liquide céphalo-rachidien qui lui donne d’insupportables migraines.
Une annonce comme celle-là est assez perturbante. Tu n’entends plus rien. Tu ne comprends pas ce que le neurologue et l’oncologue t’expliquent. Je me suis dit « Dans quoi on s’embarque ?». C’était le néant total.
Du diagnostic aux traitements. Du choc à la bataille. L’espoir est fort et la possibilité qu’il ne survive pas est à 0 % dans notre tête. Le mode « solution » est activé.
Protocole en oncologie : opérations, traitements, longs séjours à l’hôpital et multiples visites en clinique externe, nombreux effets secondaires. Après plus deux ans, le jour tant espéré arrive enfin. En mai 2000, la rémission d’Alec commence.
On a vécu cet été-là à 100 000 à l’heure. Le plus bel été de notre vie. Alec est en pleine forme, il a de beaux cheveux blonds. Nous n’avions jamais vu la chevelure de notre garçon à cause des traitements de chimiothérapie. Notre vie était douce et normale… Jusqu’en décembre. Notre cauchemar recommence, notre bonheur s’éteint.
Pendant 3 ans, notre principale préoccupation était la guérison de notre fils. Pendant 36 mois, notre résidence secondaire était l’hôpital. Pendant 1 095 jours, notre raison d’être était de nous occuper d’Alec. Et un matin, tu te réveilles et plus rien ne se passe. Le 9 avril 2001, il n’était plus là.
Leucan était là.
Pris dans ce tourbillon de médecins, d’infirmières, de piqûres, de traitements, il y avait Leucan.
De l’annonce du diagnostic en 1997 à aujourd’hui, Leucan était là pour moi. Une histoire d’amour qui perdure depuis 26 ans. Du jour 1 où une conseillère de Leucan est venue nous donner notre trousse, aux visites à l’hôpital, aux appels téléphoniques pour prendre de nos nouvelles, et même après le décès d’Alec, Leucan a eu une présence réconfortante dans ma vie.
J’ai toujours dit que le « après » est pire que le « pendant ». Leucan était là pour le « après ».
Ma famille, mon entourage, ils avaient autant de peine que moi. Je ne me permettais pas de pleurer toutes mes larmes à ma mère. J’essayais de les ménager. Tout le monde était endeuillé. Leucan était là pour m’écouter.
Je doutais que j’arriverais à survivre à ma peine. Je devais faire quelque chose. Quelque chose pour moi. J’avais besoin de partager avec des gens qui comprenaient ma réalité. Leucan était là pour comprendre mes besoins.
Les fins de semaine pour les mères endeuillées de Leucan: c’étaient ce dont j’avais besoin. Dans ces fins de semaine-là, on n’est pas censurées ; on a le droit de pleurer, de dire tout ce que l’on ressent ou de ne pas parler et simplement écouter. J’ai participé à plusieurs répits de mères endeuillées et j’ai même animé pendant certains ces séjours.
Les fins de semaine de mamans endeuillées de Leucan m’ont servi d’échappatoire à mon chagrin.
Leucan était là pour me proposer des projets qui me sortaient de ma zone de confort. En 2010, je reçois un courriel qui m’invite à participer au Défi Huma de Leucan en Équateur. Je l’ai fait : j’ai amassé 30 000 $ pour Leucan et j’ai relevé toutes les embuches que m’a apporté le défi. Et surtout, j’ai franchi une nouvelle étape de mon deuil.
Fondation Alecxange : processus de deuil
Quand tu apprends que ton enfant a le cancer, tu aimerais pouvoir appuyer sur un bouton qui arrête le temps. Sabbatique, aucun compte à payer. Un piton qui met la vie sur pause pour que tu puisses te concentrer uniquement sur l’essentiel : la santé de ton enfant.
Ce n’est pas tout le monde qui habite à côté de Sainte-Justine. Les aller-retours et les repas à l’hôpital, ce n’est pas gratuit. Pendant deux ans de traitements minimum. C’est un bon montant.
Mon conjoint et moi étions bien financièrement. Malgré l’épreuve de voir notre enfant souffrir, nous n’avions pas de stress financier. Savoir que certaines familles ne réussissaient pas à joindre les deux bouts me déchirait le cœur. Je me disais « si je leur donne des cartes d’épicerie et d’essence, ils n’auront pas à s’inquiéter de cette dépense. » Ça fait un petit peu plus d’argent à la fin du mois.
De là est née la Fondation Alecxange.
Je savais que Leucan soutenait déjà les familles avec son fond de dépannage. Mais je voulais être une option supplémentaire pour alléger le fardeau quotidien et financier des familles dont l’enfant est atteint de cancer en leur offrant du soutien à ma façon.
À travers l’aide que j’offrais aux familles, j’ai, en quelque sorte, fait mon deuil tranquillement.
Aujourd’hui mon cœur de maman va mieux. Vous savez, il n’y a pas de mauvais ou de bon deuil. Le chemin est propre à chacun. Aujourd’hui, je tourne une autre page dans mon processus de deuil. Le prochain chapitre s’appelle : Le Don d’Alec.
Le 9 avril dernier, 22 ans après le décès de mon fils, je me suis associée à Leucan afin de créer le Don d’Alec, un fonds supplémentaire au fonds de dépannage de Leucan déjà existant. Le Don d’Alec servira exclusivement à soutenir les familles financièrement. La mémoire d’Alec perdura pour de nombreuses années.
– Martine Lemay, maman d’Alec, cofondatrice et présidente de la Fondation Alecxange