La maternelle comme un cadeau du ciel

Âgée de cinq ans, Laurence vit actuellement un moment fort de sa courte vie : son entrée à la maternelle. « Elle était prête, elle avait hâte de pouvoir enfin aller à l’école pour apprendre les lettres. Quand elle revient à la maison, elle nous raconte ses journées pictogramme par pictogramme. Elle est tout excitée. C’est vraiment un beau cadeau. On retrouve un peu de normalité », se réjouit sa mère, Stéphanie Gagnon.

Les deux dernières années ont été tout sauf normales pour Laurence et sa famille. En janvier 2021, un IRM d’urgence a révélé que la fillette avait une tumeur au cervelet. Il fallait l’opérer sans tarder. « Laurence avait commencé à marcher croche, elle perdait l’équilibre. Jamais on n’a pensé au cancer. »

La maman décrit sa réaction au diagnostic comme une chute libre. « Après l’IRM, j’ai à peine eu le temps de remonter à la chambre d’hôpital que, déjà, le neurochirurgien, le neurologue et un résident m’attendaient. J’ai su que ça n’allait pas. On dirait que mon cerveau s’est tout de suite déconnecté, j’ai perdu contact avec la réalité. Je me souviens que mon corps tremblait. J’étais complètement gelée, j’avais froid. J’entendais, mais je ne comprenais pas trop ce qui se passait. »

Pris dans un tourbillon d’interventions et de mauvaises nouvelles, les parents de Laurence peinaient à assimiler les informations. « Tout allait très vite, on était bombardés. On n’avait pas le temps d’encaisser une mauvaise nouvelle que, boum, une autre arrivait. Ça nous a jetés à terre ! »

C’est difficile à décrire, parce que ça semble irréel. On ne s’attend pas à ça, on pense toujours que ça arrive aux autres. Mais dans le fond, nous, on est l’autre de quelqu’un. Quand ça nous arrive, c’est une descente aux enfers.

Voir son enfant souffrir

Six jours après son admission à l’urgence, Laurence est passée sur la table d’opération. On a retiré sa tumeur et le diagnostic s’est précisé : médulloblastome. Chimiothérapie et greffes de moëlle osseuse étaient indiquées. Dans les jours qui ont suivi la chirurgie, la fillette a par ailleurs développé un syndrome sévère de la fosse postérieure. « C’est un risque connu, variable d’un enfant à l’autre. Il peut durer deux jours, deux semaines, deux mois… », dit Stéphanie.

« Je veux ma doudou, maman! », a demandé Laurence, peu après l’opération. Rassurée, sa mère pensait que sa « croquette » s’en était tirée indemne. « Mais dès le lendemain, elle ne parlait plus. Deux jours plus tard, c’était fini, elle ne bougeait plus. Elle ouvrait et fermait les yeux, c’était tout. On a perdu la Laurence qu’on connaissait », confie-t-elle. Elle ça du tout réapprendre. Elle a fait d’énormes progrès, mais elle garde de lourdes séquelles. Elle se déplace avec une marchette en raison d’un équilibre fragile et, bien qu’elle s’exprime très bien, son débit de parole est un peu plus lent que la normale. « Personne ne peut savoir si elle s’en remettra un jour à 100 %. »

La réadaptation s’est ajoutée à des traitements intensifs. Les premiers cycles de chimiothérapie, au CHUL de Québec, n’ont laissé aucun répit à la petite patiente. « Elle vomissait 15 à 20 fois par jour. Ils ne savaient plus quoi faire pour l’aider », raconte sa mère. Puis, les traitements se sont poursuivis au CHU Sainte-Justine à Montréal. Laurence y a été hospitalisée à temps plein pendant trois mois.

Grâce au soutien de la famille élargie, les parents de Laurence ont pu être à son chevet nuit et jour, en alternance, sans autre souci. « Ils nous ont loué une maison près de l’hôpital, pour qu’on puisse vivre dans une atmosphère familiale. » Comme c’était l’été, le grand frère de Laurence, William, a pu aussi s’y installer. Tout comme le chien de la famille. « Nos parents proches séjournaient à la maison à tour de rôle pour nous aider et prendre soin de William. On a été vraiment choyés. » Le garçon a tout de même vécu la maladie de sa sœur comme un choc. « C’est un sensible. Ça l’atteint beaucoup, mais il fait son grand. »

Aujourd’hui, Laurence est en phase de maintien. « Chaque jour, on lui donne ses traitements de chimiothérapie par tube de gavage. Elle est en forme, toujours de bonne humeur. Jamais elle n’a perdu son sourire. C’est une ricaneuse. »

Leucan : un immense sentiment d’appartenance

Dans cette épreuve, la famille de Laurence se trouve comblée de pouvoir compter sur Leucan. « Les gens de Leucan s’occupent de notre bien-être à l’hôpital. Ils prennent de nos nouvelles, ils nous offrent des massages. Ils organisent des activités qui nous permettent d’échanger avec des parents qui sont dans la même situation et qui nous comprennent. C’est beaucoup. » William et Laurence ont adoré le camp d’été, une occasion de s’amuser et d’oublier la maladie.

Stéphanie parle avec émotion du week-end de répit offert à la Station Duchesnay. « Ce sont les deux jours qui m’ont fait le plus de bien durant les deux dernières années. Il n’y avait pas de pression, pas de stress, tout le monde était gentil, accueillant. Employés et bénévoles étaient là pour notre plaisir, pour notre bien-être. »

En début d’année scolaire, Maryse s’est rendue dans la classe de Laurence pour expliquer sa condition. « Ça tombe bien, Laurence est dans la classe des coccinelles ! Maryse leur a lu une histoire adaptée à leur âge. Elle a expliqué pourquoi Laurence a un tube, pourquoi elle devra souvent s’absenter. »

Vivre au jour le jour

En attendant, Stéphanie profite de ce temps libre pour recharger ses batteries. Son conjoint a repris le boulot, mais elle en est incapable. « On a été sur l’adrénaline 100 % de notre temps. On n’a pas eu de break, pas de souffle. Ça rentre dans le corps ! » Durant la première journée de maternelle de Laurence, elle a dormi toute la journée. « Je ne savais pas que j’étais si fatiguée. Mon corps me parle encore. »

Stéphanie sait qu’à tout moment, elle peut compter sur Leucan. Pour une oreille attentive, pour du soutien financier, pour se déposer. « C’est tellement fort le sentiment que j’ai pour Leucan. C’est pourquoi j’essaie de m’impliquer comme je peux », dit-elle, en montrant son vernis à ongles doré, aux couleurs du Mois de la sensibilisation au cancer pédiatrique. Avec ses proches, elle participera au Défi Ski Leucan comme l’an dernier.

Faite d’inquiétudes et de soubresauts, de douceur et de petits bonheurs, la routine familiale reprend peu à peu. « Notre sommes un noyau solide, très unis. Ce qu’on peut nous souhaiter, c’est d’être heureux ensemble, de profiter de chaque journée et de continuer de voir le positif. On ne sait pas ce que demain nous réserve, mais les enfants nous apprennent à vivre au jour le jour. Laurence est tellement souriante qu’on ne peut faire autrement que de l’être nous aussi. »